Ces dernières semaines, la demande en or s’est littéralement envolée, et son prix a suivi la même trajectoire. Le cours du métal jaune a en effet dépassé la barre des 2000 dollars l’once, et atteint désormais 2050 dollars. Cette progression fulgurante s’explique par une conjonction de facteurs, à commencer par les tensions géopolitiques au Proche-Orient. Les investisseurs redoutent notamment que la guerre entre Israël et le Hamas se trans- forme en un conflit régional, incluant des États comme l’Iran, par exemple. « L’or bénéficie généralement d’un contexte géopolitique perturbé. Quand les tensions sont importantes, le prix de l’or a tendance à augmenter, car on assiste à un mouvement des investisseurs qui vont se diriger vers les valeurs considérées comme sûres, analyse Charlotte de Montpellier, économiste chez ING. Etant donné que l’or est un actif réel, tangible, il bénéficie de ce genre de situation. » Une tendance similaire avait d’ailleurs été observée au moment de l’éclatement de la guerre en Ukraine. « En revanche, il s’agit souvent d’effets de court terme. La guerre en Ukraine est moins récente, et est passée à l’arrière-plan. Dans le cas de l’or, ce sont vraiment les éléments neufs qui vont influencer les fluctuations de valeurs. »
Taux favorables
Autre argument – et non des moindres – pour expliquer cette flambée du cours de l’or : les taux d’intérêt, qui devraient baisser. « Contraire- ment aux actions ou aux obligations, on n’a pas de rendement dans le cas de l’or. Il peut prendre de la valeur mais ne rap- porte rien au jour le jour. Ce qui se passe, en général, c’est que l’or profite d’une situation où les taux d’intérêt sont amenés à diminuer, ou du moins à ne plus augmenter. » Et c’est précisément ce qui est en train de se produire pour le moment : « Les banques centrales ont considérablement augmenté leurs taux, qui ont atteint une sorte de maximum. On sait désormais que la prochaine étape, ce sera une baisse des taux, et cette perspective est favorable à l’or. »
Enfin, il faut encore pointer l’attitude de certaines banques centrales qui ont massivement acheté de l’or. « C’est notamment le cas des banques centrales chinoise et russe. Cette dernière a acheté de l’or pour essayer d’avoir des ré- serves de valeur, étant donné qu’elle n’a plus si facilement accès au système financier mondial », poursuit l’économiste. Et on ne parle pas ici de quelques lingots : « Au dernier trimestre, les banques centrales ont acheté 370 tonnes d’or sur le marché, ce qui est colossal ! », précise Alexandre Convent, administrateur auprès de la société Gold & Forex International, à Bruxelles. Au regard de la demande très élevée de ces banques centrales, le prix de l’or a également grimpé. « Mais c’est vraiment la con- jonction de ces trois facteurs : taux d’intérêt, contexte géopolitique, et banques centrales qui justifie la flambée que nous con- naissons actuellement. » Une situation qui devrait per- durer? Selon Alexandre Con- vent, « tous les voyants sont au vert avec ces trois indicateurs. » Charlotte de Montpellier table, pour sa part, sur trois à cinq mois encore très positifs pour l’or. « Je ne dis pas que l’on devrait parier sur un nouveau record pour l’or en 2024, mais il est clair que cela devrait rester soutenu en début d’année. »
Investir dans le métal jaune : une bonne idée ?
Est-il intéressant d’investir dans l’or ? La réponse est évidemment nuancée. Avec la hausse du cours de l’or observée récemment, Alexandre Con- vent a vu pas mal de vendeurs pousser la porte de son bureau de change pour retirer le bénéfice de leur investissement. « Comme l’or a atteint un niveau très élevé, certains se sont dit que c’était le moment. Il faut savoir que l’on a vite assisté à une hausse de 10 %. Malgré ce phénomène, nous avons aussi beaucoup de personnes qui ont une vision à plus long terme, étant donné que l’or est une réserve de valeur défensive. » Par ailleurs, de nouveaux acheteurs se sont aussi manifestés : « Entre les tensions géopolitiques, les taux d’intérêt, et une forme de méfiance à l’égard du système bancaire, certains ont commencé à douter, et se sont tournés vers l’or. Sur la question de savoir si c’est le bon timing, je dirais que nous avons des personnes qui achètent de temps en temps, qui sont dans le train, et l’évolution du cours de l’or de ces 20 dernières années leur donne raison. Cela reste une bonne valeur refuge. » L’économiste Charlotte de Montpellier rappelle néanmoins que la seule promesse du métal jaune est une potentielle plus-value. « On n’a pas de rendement avec l’or, contrairement aux obligations et aux actions. Mon mes- sage, c’est de dire que l’or peut évidemment jouer un rôle dans un patrimoine, mais ce n’est pas une piste à privilégier en tant qu’investissement unique à long terme. Mettre tout son patrimoine dans l’or, c’est très risqué car volatil. » Alexandre Convent juge intéressant d’investir entre 5 à 10 % de son patrimoine, « ce qui est déjà très bien ». Si vous souhaitez vous lancer dans l’aventure, le spécialiste vous con- seille d’opter pour de petites pièces d’investissement, comme le Souverain anglais ou le Napoléon, d’une valeur de 350 euros. « L’avantage, c’est que c’est plus facile à revendre, à transporter et à partager si vous avez des enfants, par exemple. » Pour une once, comme le Kruger- rand d’Afrique du Sud, il vous faudra débourser environ 2 000 euros. S’il existe plusieurs sortes de lingots, celui d’un kilo est tout de même affiché à… 60000 euros. « Si une personne souhaite investir un certain montant, mon conseil serait d’y aller progressivement. […] Et entre le choix de l’or physique ou de l’or papier, je dirais que l’or physique a l’avantage d’être tangible, ce qui est rassurant pour l’investisseur. » Si vous ne voulez pas garder votre or chez vous, il est tout à fait possible de le laisser en sécurité, au sein du bureau de change. « Aujourd’hui, pas mal de banques ne proposent plus de coffres, elles ont arrêté ce service. Mais c’est toujours possible chez nous. »
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Reportage par Céline Demelenne
L'Avenir
2 décembre 2023
